Zafon, Carlos Ruiz - L'ombre du vent
Un chef-d’œuvre à lire, relire et à faire découvrir
Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, " ville des prodiges "
marquée par la défaite, la vie difficile, les haines qui rôdent
toujours. Par un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon
- Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier
gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. L'enfant, qui rêve toujours
de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de
livres d'occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en
génération : il doit y " adopter " un volume parmi des centaines de
milliers. Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie,
le marquer à jamais et l'entraîner dans un labyrinthe d'aventures et de
secrets " enterrés dans l'âme de la ville": L'Ombre du vent. Avec ce
tableau historique, roman d'apprentissage évoquant les émois de
l'adolescence, récit fantastique dans la pure tradition du Fantôme de
l'Opéra ou du Maître et Marguerite, énigme où les mystères s'emboîtent
comme des poupées russes, Carlos Ruiz Zafon mêle inextricablement la
littérature et la vie.
- Broché: 524 pages
- Editeur : Grasset (1 avril 2004)
- Langue : Français
- ISBN-10: 2246631610
- ISBN-13: 978-2246631613
Ma critique
Comment reconnaitre un livre extraordinaire quand on en croise un ? C’est simple, c’est un livre que vous dévorez les larmes aux yeux et les entrailles nouées en culpabilisant de lire trop vite, accaparé comme vous l’êtes par l’intrigue et les personnages, sachant que vous regretterez de ne pas avoir pris davantage votre temps lorsque vous l’aurez terminé. C’est aussi un livre qui vous emmène tellement loin, main dans la main avec lui, que vous oubliez tout de ce qui vous entoure et qui vous reste des semaines et des semaines dans la tête avec encore un sourire sur les lèvres ou une boule au ventre. C’est un livre qui rend fades tous les autres livres que vous tentez de lire après lui et ce pendant un bon moment et qui vous fait envier tous les chanceux qui ne l’ont pas encore lu et vont le découvrir pour la première fois. C’est en cela que L’ombre du vent, est un splendide roman-puzzle aux nombreux personnages hauts en couleur aussi truculents que candides, bouleversants qu’inquiétants, attachants que haïssables. Un roman protéiforme passionnant, naviguant en beauté entre roman historique et pamphlet politique en passant par la noirceur du thriller, le mystère du roman feuilleton à la Gaston Leroux, la profondeur philosophique du roman d'apprentissage ou bien encore le drame romanesque poignant de l'amour maudit. L’ombre du vent célèbre magnifiquement l'amour des livres et de la lecture et prend au cœur et aux tripes, bénéficiant d’une intrigue absolument captivante, d’une grande complexité, où les destins s’entrecroisent dans une Barcelone mythifiée qui devient un personnage à part entière. L’histoire progresse par des procédés subtils tels que les relations épistolaires qu’entretiennent les personnages du roman ou les souvenirs échangés qui donnent lieu à des flash-back maitrisés à merveille par l'auteur.
Bien sûr s’il faut absolument trouver un défaut à cette œuvre, disons que l’on voit venir de loin parfois certaines révélations et que certains rebondissements sont prévisibles mais le roman tient en haleine sans difficulté. Les deux cent premières pages sont un peu longuettes mais une fois le décor mis en place, le lecteur n’a plus aucun répit. L’écriture de l’auteur est très belle, poétique et jouissive avec un rien de préciosité et d’érudition. L’auteur possède du vocabulaire et une grande culture. L’idée initiale du cimetière des livres oubliés sis à Barcelone est une grande idée. Une idée magnifique. Car pour qu’un être continue d’exister il faut que quelqu’un se souvienne de lui et continue à l’aimer, c’est pareil pour les livres. Pour qu’un livre continue d’exister il faut que quelqu’un continue à le lire. Car comme le dit si bien l’auteur, les livres sont les miroirs de ceux qui les lisent, reflétant ce que nous portons à l’intérieur de nous-mêmes. Nous nous attachons très vite à Daniel, ce petit garçon qui a perdu sa maman, et à son papa. Mieux, nous nous identifions à lui et le voyant grandir devant nos yeux, comprenons totalement sa quête, son besoin de savoir. Car notre besoin de compréhension est identique au sien. Nous le suivons pas à pas à la recherche de celui qui tel un père spirituel sera son mentor, cet écrivain maudit qui le fera devenir un homme : le mystérieux Julian Carax. Nous suivons Daniel comme s’il était notre projection textuelle dans le roman sans le quitter de l’âme une seule seconde. Ressentant tout ce qu’il ressent au travers de sa difficile enquête dans les méandres du passé comme si nous le ressentirions aussi.Un bel exemple d’interactivité entre le lecteur et le personnage principal d’un roman. A la fois réaliste (voire cru) et en même temps nimbé d’une aura fantastique , grand moment de littérature et de vie ,ce roman très dense (plus de 600 pages qu’on ne voit pas filer) est une œuvre sublime et envoûtante qui m’a véritablement bouleversée et je dois avouer que cela faisait très longtemps qu’un livre ne m’avait pas à ce point touché et marqué, me volant sans peine mes heures de sommeil. A découvrir absolument.